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Les Nuits Fauves : La découverte de la passion amoureuse par un bi-sexuel séropositif.

         Ne rien perdre, surtout. Ne rien perdre de la vie. Emprisonner cette vie qui fuit dans la boîte à images qu'on appelle une caméra. Aller à l'essentiel. Ne filmer que les phrases qui comptent, les gestes qui importent. Et les couper, les phrases, les gestes, dès lors qu'ils deviennent prévisibles, banals. Dès lors qu'ils cessent d'être indispensables, qu'ils deviennent des temps morts. [...] Alors, quand Cyril Collard montre un garçon enlaçant une fille et se roulant sur elle, il ne montre que le début du geste. A quoi bon filmer la suite ? Faudrait être bien sot pour ne pas comprendre ce qui va se passer. Autant gagner du temps. Gagner quoi ? Deux, trois secondes ? Mais elles lui permettent de montrer autre chose, autre part. Deux ou trois choses qu'il sait d'Elle, de la vie, deux ou trois choses. Déchirantes, qu'il va déchirer encore davantage. Car la vie n'est que cela. Déchirements. [...] Car la mort est là. Dans le sang de Jean. Dans le sperme de Jean. Faut dire que la drogue, il a toujours aimé ça. Et les garçons, aussi. De temps à autre, il s'en va dans un de ces lieux furtifs que les habitués connaissent. Et Cyril Collard filme alors ses étreintes comme une chorégraphie étrange. Un ballet d'ombres innocentes.

          Au milieu d'elles, il y a Samy. Mi-frère, mi-amant. Pas pédé, en tout cas, Samy est très clair sur cette question ! Mais ce « pas pédé », qui tient à le rester, a lui aussi des zones troubles. L'amour des coups, par exemple. Entraîné par des copains, Samy tape sur un pervers qui ne demande que ça, sorte de baron de Charlus de troisième zone. Et Samy est soudain terrifié de ce qu'il découvre en lui. Et puis, il y a aussi Laura (Romane Bohringer, extraordinaire, magnifique, sublime : les mots manquent pour saluer une telle révélation). Elle est là avec son amour qu'elle découvre en elle mais qu'elle ne comprend pas vraiment, [...] son amour tout neuf, tout beau, tout chaud. Son amour éternel et sublime. Son amour magnifique et terrifiant. Son amour emmerdant, aussi. Un amour fou qui, d'ailleurs, va la rendre cinglée. [...]

         Collard filme ces rencontres, le plus souvent caméra sur l'épaule, jouant sur les contrastes des lumières, sur le désordre des sentiments. La brutalité de toutes ces séquences évoque Maurice Pialat, bien sûr, dont Cyril Collard a été l'assistant, avant d'en rester le disciple. Sauf que Collard est un Pialat qui ne refuserait pas l'humour. [...] Il y a tout cela dans le premier film de Cyril Collard. [...] Il y a tout cela, en vrac. Comme si Cyril Collard n'avait pas su, pu ou voulu y introduire de l'ordre. Comme si l'ordre était déjà la mort pour ce film sur la vie. Et c'est bien la vie qui émerge, triomphante, de ce film brut, brutal, aussi important pour les années 90 que pouvait l'être, il y a vingt ans, La Maman et la putain de Jean Eustache. Un film qui évoque ces vers d'Aragon que chantait si bien Léo Ferré : « Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Et leurs baisers au loin les suivent... » - Pierre Murat

© 2013 by Sara Bouanani, Nolwen Izebatene, Camille Latham, Emma Lavenka

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